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Philippe Morel, retraité de l’Inra S’intéresser d’abord aux consommateurs

Philippe Morel, animateur de l’UMT STRATège, présente l’importance de cette structure pour la filière. Alors qu’il vient de faire valoir ses droits à la retraite, il revient sur sa carrière, largement consacrée à l’horticulture.

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Le Lien horticole : Vous animez l’UMT STRATège. Qu’apporte ce travail à la filière ?

Philippe Morel : Créée en 2017, elle a pour ambition de s’intéresser aux consommateurs pour mieux comprendre leurs attentes en matière de plantes, puis de mettre en œuvre les moyens marketing et techniques pour y répondre. Cette idée est née des échanges réguliers que j’ai toujours eus avec Astredhor, en particulier avec Thierry Gokelaere, son ancien directeur, renforcés par les nombreuses discussions avec les professionnels de l’horticulture. Constatant la stagnation du marché, bien identifiée par les enquêtes de Val’hor, je pensais qu’il fallait s’intéresser plus particulièrement aux jeunes urbains, a priori peu concernés par notre secteur, à l’image un peu « ringarde », mais potentiellement très motivés par le monde végétal. Avec un peu de recul, je m’aperçois que cette nouvelle approche intéresse beaucoup la filière. J’en veux pour preuve les nombreuses discussions et échanges que soulèvent la présentation de nos projets « labellisés UMT STRATège » auprès de divers publics de la recherche et de la profession.

LLH : À l’heure de la retraite, quel regard portez-vous sur les décennies passées au service de l’horticulture ?

PM : Si je voulais résumer en quelques mots, je dirais que j’ai toujours beaucoup apprécié la diversité de cette filière et son attrait pour l’innovation. En termes de recherche, cette diversité est bien sûr un handicap car elle entraîne une dispersion des travaux, accompagnée d’un manque relatif­ d’approfondissement des connaissances, mais elle est stimulante. C’est aussi une filière étonnamment innovante, tant au niveau technique que botanique, quand je pense aux multiples méthodes de culture appliquées, en serre notamment, ou à la multitude d’espèces et variétés testées au cours des années. Il y a eu bien sûr des périodes plus fastes­ que d’autres dans ce bouillonnement d’idées. Il est certain que la période où j’étais responsable de la station d’expérimentation sur plantes en pot du CNIH à Angers, dans les années 1990, a été extrêmement riche et variée. Je pense en particulier au développement de nouvelles méthodes de culture, comme la subirrigation, à la maîtrise du climat, à la diversification des cultures. J’ai beaucoup apprécié mes contacts avec de nombreux professionnels de l’agrofourniture et de la production. Par la suite, mon retour à la recherche plus académique m’a permis d’approfondir certains sujets que j’avais abordés antérieurement, comme la caractérisation des substrats ou la maîtrise de la forme des plantes par l’analyse de leur architecture. Mais cette nouvelle orientation m’a parfois éloigné du milieu professionnel, ce que la création de l’UMT STRATège a commencé à corriger.

LLH : Quels sont les enjeux pour les producteurs ces prochaines années ?

PM : Dire que le végétal sera au cœur des préoccupations semble une évidence quand on voit déjà son omnipré­sence, dans les projets mais aussi dans les médias. Encore faut-il que cet engouement apparent se concrétise par des réalisations concrètes génératrices d’activités de production, d’aménagement, etc. De toute façon, il faut que les professionnels soient prêts à y répondre, en terme de quantité, bien sûr, mais surtout en étant en adéquation avec ces marchés, d’où l’importance de démarches telles que celles engagées dans le cadre de l’UMT STRATège. Trop longtemps, en France, la production a tenté de suivre la demande au lieu de l’accompagner, voire de l’anticiper. Un enjeu majeur porte également sur l’outil de production, qui doit évoluer pour répondre à ces marchés, mais aussi aux évolutions clima­tiques et réglementaires qui en découlent. Par exemple, une réflexion approfondie sur le système serre doit être rapidement engagée, tenant compte de la menace qui pèse sur l’utilisation des énergies fossiles, mais aussi de la nécessaire réduction de la pénibilité des tâches. Jusqu’où peut-on envisager par exemple la robotisation ou l’absence de chauffage des serres ? Enfin, je m’inquiète du manque relatif d’intérêt des jeunes générations pour notre secteur d’activité, que ce soit comme salariés ou chefs d’entreprise. Nous nous interrogeons tous sur la distorsion entre l’engouement média­tique pour le végétal et la difficulté des entreprises­ à trouver des collaborateurs ou des repreneurs, alors que se créent une multitude de petites entreprises en milieu urbain, aux activités multiples (de production, mais souvent à but social, pédagogique…), dont la pérennité économique est souvent hasardeuse.

Propos recueillis par Pascal Fayolle

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